Les frontières qui séparent la naissance, la vie et la mort sont grandes, mais tellement subtiles à la fois. Certains les imaginent, d’autres les perçoivent et d’autres encore, les touchent du doigt.
Suite aux accompagnements que j’ai pu faire, si j’avais à décrire ce qui se passe autour de ces passages si subtils, j’aimerais utiliser les termes d’expulsion, d’implosion et d’explosion.
Le Larousse donne la définition suivante « L’implosion comme l’explosion impliquent une destruction violente, mais dans l’implosion, le mouvement est dirigé vers l’intérieur (préfixe latin in-), tandis que dans l’explosion, il est dirigé vers l’extérieur (préfixe latin ex-) ».
Il existe des étapes physiologiques autour d’une naissance, et une fois le sac amniotique rompu, la naissance s’annonce de façon certaine, le délai étant variable mais inéluctable. Une fois cette étape passée, les contractions utérines accompagnent l’arrivée du bébé, c’est mécanique, tout simplement, et le terme médical est clair car il parle d’expulsion.
Si j’avais à décrire la vision que j’ai lorsque je pense aux personnes qui vivent physiquement et physiologiquement leur propre fin de vie (en dehors d’un arrêt soudain suite à un AVC ou à une crise cardiaque par exemple) j’aurais spontanément l’image d’une implosion (sans y associer une notion systématiquement violente). On peut avoir l’impression que lors de ses derniers jours, la personne en fin de vie se renferme peu à peu sur ses souvenirs et sur sa vie, puis, à un moment donné, une nouvelle fois pour des questions physiologiques, son corps prend la relève en trouvant une respiration à une cadence et une intensité très précises, pour au final avoir les membres qui présentent des caractéristiques identifiables, le tout annonçant une fin très proche. On a l’impression que peu à peu la personne se retrouve avec elle-même jusqu’à son dernier souffle.
“Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle” Emile ZOLA
Un jour, en discutant avec un responsable de pompes funèbres, il m’a fait part du nombre de familles qu’il avait accompagnées, et chez qui, une fois les parents décédés, il y avait eu une explosion familiale violente. Il m’a raconté plusieurs anecdotes concernant des successions improbables qui ont débuté parfois immédiatement après le décès et qui ont duré des années. Lors de cet échange il m’a avoué avec une voix tremblante, qu’il ne savait pas comment cela se passerait avec sa propre famille quand il ne serait plus là. Son expérience lui avait montré que bien des masques tombaient une fois les aînés décédés et que les surprises étaient parfois de taille.
Ces différentes choses peuvent se préparer en amont, sans jamais avoir la certitude de comment tout va se dérouler une fois le moment venu.
Certaines femmes peuvent faire le choix de se préparer à une naissance physiologique, sans péridurale, dans un environnement spécifique correspondant à une image qu’elles ont de la naissance. Autant souvent ce projet de naissance peut se passer d’une façon très douce et sans entraves, autant parfois il peut nécessiter une intervention d’urgence pour des raisons médicales.
Lors de la fin de vie c’est un peu pareil. Certaines personnes peuvent s’y préparer en ayant rédigé des directives anticipées où sont stipulées des souhaits et des demandes précises. Ces demandes sont faites dans le but d’être respectées, le tout étant d’avoir pu le faire en ayant eu le temps d’en enformer les personnes de confiance et le corps médical. (Je ferai un article prochainement à ce sujet).
Pour simplifier la succession d’après leur mort, certaines personnes prennent le temps de laisser un testament. Le côté officiel de ce document simplifie le partage des biens et de ce qui est administratif, sans toutefois garantir une entente à toute épreuve. Souvent, lors d’une succession, on gère bien plus que le côté matériel laissé par le(s) défunt(s). En perdant ses parents, ce sont souvent des questions bien plus complexes qui se jouent comme la position que l’on a dans la fratrie, la proximité que l’on avait avec ses parents ou au contraire la distance, les dits et les non-dits, et ces silences qui resteront à jamais en suspens.
« Le plus riche héritage que puisse laisser un homme de bien, c’est son exemple » Joseph Michel Antoine Servan
En tant que doula on échange avec les parents concernant leur projet de naissance. En tant que thanadoula, la question des directives anticipées est abordée, tout comme celle concernant l’après, car ce sujet peut très vite devenir sensible quand la famille n’est pas d’accord entre elle.
Au plaisir d’échanger avec vous,
Armelle