L’affirmation de Paulo Coelho pourrait être une généralité, et pourtant, il existe des exceptions qui permettent d’y apporter un petit bémol.
« Les hommes rêvent du retour plus que du départ » Paulo Coelho
…ou devrait-on dire « Certains hommes rêvent du retour plus que du départ, alors que d’autres rêvent du départ plus que du retour ».
En écrivant ces quelques mots je pense à une personne qui sentait son heure proche, et qui, peu avant une intervention chirurgicale lourde, a décidé de prendre le temps de dire au revoir à ceux et celles qui étaient prêts à accueillir ce témoignage d’amour. Les adieux étaient profonds et vrais car partagés alors même qu’elle avait le sentiment que « son heure » serait là, sur la table d’opération.
Et si ça avait son choix ? et si son corps lui avait effectivement donné la capacité de décider quand et comment il allait tirer sa révérence ? Certains diront que c’est impossible, d’autres vont sourire en considérant que l’on peut décider bien des choses et que tout ne s’explique pas.
En retour, il y a eu des injonctions, certes emplies d’amour et d’affection lui indiquant qu’il était attendu et qu’on ne voulait pas le savoir mort, mais il s’agissait quand même d’injonctions lui disant des « non, il ne faut pas dire ça », ou des « tu n’as pas le droit de penser ça, ça va bien se passer, tu ne vas pas mourir, tu ne peux pas mourir ».
Et si sa notion de « ça va bien se passer » allait à l’encontre de son désir de partir en douceur et sans souffrances ? Et s’il avait rêvé de ce départ là en le sentant comme une intuition qui lui avait murmuré à l’oreille que c’était son heure ?
Par amour c’est certain, par peur peut être, et vraisemblablement par un « égoïsme » innocent et presque enfantin on veut garder avec nous les gens qu’on aime, on veut pouvoir profiter encore un peu de leur présence et on prononce doucement des mots qui se veulent bienveillants mais qui au final bloquent.
En disant « non, tu n’as pas le droit de baisser les bras », « il faut tenir », « il faut t’accrocher », « mais non, tu vas voir, ce n’est pas ton dernier Nöel », « mais si ! tu vas guérir », « n’aies pas peur », nous parlons avant tout de nos envies sans pour autant autoriser nos proches à se connecter à leurs propres émotions et à leurs propres besoins.
Et si l’on autorisait nos proches à se connecter à ce qu’ils sont vraiment, ne serait-ce pas plus simple pour eux ? pour nous sûrement pas, mais notre préoccupation première n’est-elle pas autour de leur bien être et leur paix intérieure ?
« La mort est mal faite. Il faudrait que nos morts, à notre appel, reviennent, de temps en temps, causer un quart d’heure avec nous. Il y a tant de choses que nous ne leur avons pas dites quand ils étaient là ! » Jules Renard
Et si le partage de leur ressenti concernant une mort imminente était l’occasion de leur ouvrir notre coeur et de leur dire ce que nous voulons leur dire là, tout de suite, maintenant, comme si c’était la toute dernière fois ?
Peut-être que les personnes qui acceptent la mort et qui osent « rêver [leur] départ » avancent plus sereinement jusqu’à leur dernier souffle en ayant « pris le temps de prendre le temps pour dire au revoir aux gens qu’ils aiment » leur offrant ainsi le plus beau des cadeaux, celui d’une dernière déclaration d’amour avant une mort paisible.
Au plaisir d’échanger avec vous à ce sujet si le coeur vous en dit,
Armelle