Il est des départs que l’on ressent plus ou moins fortement et plus ou moins longtemps. Il en est d’autres qui, tel un séisme, ébranlent un équilibre qu’on croyait à toute épreuve.
J’ai ressenti cet état il y a peu, sans savoir qu’il serait là, presque par surprise, à croire qu’il m’attendait caché au premier tournant.
Ma belle-mère est décédée, puis mon père, puis, ce fut au tour de ma mère. En moins de 4 ans, quasiment année après année ils ont emprunté le même chemin pour aller dans la même direction. Globalement, je trouvais que ça allait, que leur départ était ok pour moi, car c’était la vie, ou plutôt un processus normal de vie vers la mort.
Puis, ce fut le moment de dire adieu à mon beau-père, il y a très peu de temps. Comme pour nos autres parents décédés avant lui, mon mari et moi avons eu la chance de pouvoir être à ses côtés jusqu’à son tout dernier souffle, de l’accompagner, de lui caresser la main, de lui chantonner de douces berceuses rassurantes, de l’apaiser quand cela était nécessaire, surtout la nuit. Nous avons eu la chance une nouvelle fois d’être présents et d’être témoins d’une fin la plus sereine possible, dans la paix, le tout entouré par ses proches, mais une fin quand même.
“Les parents sont des montagnes que l’on passe sa vie à essayer d’escalader, en ignorant qu’un jour c’est nous qui tiendront leur rôle.” Marc Levy
Mais voilà. Moins de 48 heures après son dernier souffle une étrange sensation est venue effleurer mon âme, celle d’avoir vu partir la totalité de la génération de nos aînés, celle de nos grands parents, puis celle de nos parents, faisant de nous les parents de nos enfants, et laissant de côté notre position d’enfants de nos parents.
C’est ainsi qu’en toute logique, le départ de nos quatre parents nous a placé en une fraction de seconde en tant que parents de nos propres enfants, tout en haut de la liste. En un laps de temps infime nous sommes devenus les seuls grands à même de veiller sur leur lignée.
« En fait, maintenant que ton père et ta mère sont morts, tu es orpheline … » Paola
Je me souviens encore de cet instant presque brutal, mais pourtant si spontané et si vrai, lorsque ce petit bout d’amour de 6 ans m’a dit en toute simplicité « en fait, maintenant que ton père et ta mère sont morts, tu es orpheline … ? ».
En tant qu’adultes on a souvent tendance à mettre des filtres et des pincettes partout, pour ne pas froisser les esprits, pour ne pas vexer les personnes, mais la vérité est bonne à entendre, même si elle déstabilise parfois. Et oui, elle avait raison, je n’avais plus mes propres parents.
J’étais orpheline, c’est vrai, mais comme je l’ai souvent dit, même si mes deux parents étaient décédés je n’ai pas souvenir d’avoir éprouvé un « vide sidéral » ou de m’être dit que ce serait insurmontable.
Quand on le fait par choix, le fait d’accompagner des personnes en fin de vie, et surtout quand ce sont nos proches, est un moment qui nous permet de remplir un vase invisible d’amour, d’émotions, de souvenirs, de regards et d’échanges vrais, c’est un peu comme si on prenait conscience que bientôt, il n’y aura plus d’eau et qu’on nous permet de faire des réserves avec des contenants adaptés pour ne plus jamais avoir soif.
J’avoue, ça aura été une étrange sensation que de prendre conscience que dorénavant, même jeunes, nous devenions les aînés de notre petite famille… mais d’avoir pu accompagner nos aînés m’aura surement permis d’avancer peu à peu vers cette nouvelle réalité, et de l’accepter pleinement.
Au plaisir d’échanger avec vous,
Armelle