Any time

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porte du temps entre la vie et la mortCertains d’entre vous diront « il suffisait de demander », d’autres vont parler de hasard, là où d’autres vont utiliser le terme de synchronicité.

Moi j’ai juste envie de résumer tout ça en disant que tel un petit clin d’oeil qui me parvient et qui fait du bien, c’est une réponse à mes questions et à mes demandes formulées à peine quelques minutes après les avoir ressenties dans mon coeur d’enfant, un peu comme si une porte magique s’était ouverte pour me permettre d’avoir des réponses.

Pour vous resituer la scène, petit retour en arrière.

Je suis bien, sereine, dans un état de calme et de plénitude et me trouve entre méditation et sieste. Juste avant de fermer les yeux j’ai eu l’envie de mettre une musique douce pour m’accompagner. Une play liste spécifique avec du piano et des morceaux qui se suivent de façon aléatoire. 

Au son des notes je me retrouve il y a deux ans de ça, peu de temps après le décès de ma maman, en train de ranger la maison et ses affaires, et en train de me retrouver comme une petit fille qui espère découvrir une surprise au détour d’un tiroir ou d’un magazine.

Je me suis vue quand, pendant des jours j’étais en train de ranger ses affaires, à classer ses papiers, à gérer l’administratif, à remettre en ordre ce qui ne servirait plus, à laver ce qui devait l’être, à garder précieusement ce qui allait faire l’objet d’échanges et de partages en famille.

Pendant des jours et des jours j’ai fait l’aller retour entre mon chez nous familial et son chez elle qui était aussi le chez nous de notre enfance et de nos années de jeunes adultes.

Pendant des jours et même des semaines  j’ai pu prendre le temps nécessaire pour me faire à l’idée de sa mort, un peu comme si j’avais pu accompagner la chute du cordon ombilical de la fin de vie, celui qui reliait la vie et la mort, celui qui lui avait permis de rester encore un peu avec nous tous, celui qui m’avait permis de me préparer à l’idée de la voir partir pour toujours .

Je me souviens que pendant des jours j’ai caressé et j’ai senti sauvagement ses habits, son oreiller. J’ai fait bouger ses bijoux encore accrochés en attente d’être portés, j’ai promené ses chaussures à mes pieds pour qu’elles regardent encore ce que ma mère avait tant aimé avant.

En ces jours là, comme une petite fille j’ai aussi espéré trouver un mot petit caché à mon attention, une lettre, quelque chose qui m’aurait été adressée personnellement, rien qu’à moi. Je ne demandais pas une lettre entière, non, juste quelques mots à mon attention, un peu comme un dernier câlin que j’aurais pu lire et relire, encore et encore les jours où j’en aurais eu envie.

« Chaque ligne d’écriture est un fil tendu entre la vie et la mort » 
Jean-Marie Laclavetine 


Et bien non, aucun mot, rien, nada. 

Vous vous demandez sûrement pourquoi attendre un mot de quelqu’un car tout le monde n’est pas censé écrire et surtout cacher des mots. C’est vrai, mais que voulez-vous, mon papa était passé par là quelques mois plus tôt et, sans le savoir, il m’avait fait un cadeau extraordinaire. Il avait un cahier où il avait marqué des choses importantes à ses yeux et où il avait écrit au tout début une phrase du genre « si vous découvrez ce cahier et que je suis encore en vie, ayez la délicatesse de ne pas le lire« . On ne le connaissait pas, ni mes frères ni moi-même, et au décès de mon papa, en le lisant j’ai découvert un poème manuscrit qu’il me dédiait. En le lisant j’ai pleuré les larmes de mon corps, des larmes d’amour et je l’ai glissé dans mon coeur pour toujours.

En écoutant la musique aujourd’hui je crois que mon coeur s’est remémoré ce manque laissé suite au décès de ma maman. Elle se savait en fin de vie, mais finalement, peut être qu’elle ne pensait pas que c’était aussi proche, et puis peut être qu’elle n’avait tout simplement pas voulu le faire. Je ne savais pas.

En partant en méditation je me demandais pourquoi il n’y avait pas eu de mot, et ma demande a été tellement forte je crois que j’ai eu la réponse quelques minutes après.

le temps dans la mort fin de vieJe me relève, et « sans savoir pourquoi » j’ouvre mon application Netflix, je vois une recommandation, je clique et je découvre un titre qui dit « tell me when » (« dis moi quand » si traduit de l’anglais ou « toi, dis moi quand » si traduit de l’espagnol …). Je ne connais pas. Je clique. surprise, c’est un film mexicain (tout comme ma maman) dont le titre est « dime cuando tu ». Je souris, accueille le clin d’œil mexicain je me dis qu’à la fin je vais écrire l’article en pensant à elle, mais avant je décide de regarder quelques minutes. Surprise ! le film parle de quelqu’un qui écrit des choses pour un membre de sa famille mais qui n’arrive pas à le lui donner car il meurt de façon soudaine. 

Je suis chamboulée, j’arrête le film et je décide d’écrire tout de suite mon article en pensant à ma maman.

Entre temps, je reçois un message sur Instagram, je le regarde, je scroll une fois et je découvre un post qui dit que dans la vie « il n’y a pas d’heure, il y a des trains qui partent à n’importe qu’elle heure et qu’il suffit juste de prendre le train« … chamboulée je partage ce post sur mon compte car il me parle et car il peut aussi parler à d’autres, je le trouve beau et vrai…

à tout moment la mort peut arriverDans les secondes qui suivent je reçois un message de quelqu’un qui a des antennes bien connectées mais qui refuse de les sentir pour l’instant (je lui dédie ce message par la même occasion); le message qui s’affiche sur le post qu’elle me partage est « any time« ….. (« à tout moment »)

J’ai donc la réponse à me question. Il suffisait de la poser dans mon coeur, et non plus dans ma tête.

Le train est passé, je n’ai pas pu avoir de petit mot écrit mais le clin d’œil et l’accolade viennent d’ailleurs, de là où elle se trouve en ce moment même. Un peu comme si elle me prenait pas la main pour me dire qu’elle me donne son petit mot maintenant, empli de poussière d’étoiles que je capte aujourd’hui, et autant vous dire que mes larmes d’amour viennent de remplir mon coeur une nouvelle fois.

« Oser demander ouvre la porte du oser recevoir » xochitl

En tant que thanadoula, il m’arrive de permettre aux personnes en fin de vie de partager des souvenirs, mais depuis le décès de mes propres parents, j’ai pris l’habitude d’oser écrire ce que j’ai envie de transmettre à mes propres enfants plus tard, des souvenirs qu’ils connaissent mais qui resteront écrits sur un joli papier, dans un joli cahier, avec mes dessins et mes mots doux. Peut être que pour eux ce sera la même chose car pour moi,  lire les lignes écrites par mon papa a été un peu comme du baume ou coeur, ou comme des pansements de l’âme.

Avant, on avait l’habitude d’envoyer des lettres ou des cartes postales, alors osez écouter vos envies, écrivez, enregistrez des souvenirs, filmez les moments doux car il s’agit de partages d’amour.

Maintenant que les mots sont posés, je vais aller regarder le film en entier car c’est peut être une pépite, ou peut être que c’est un bide total, mais peu importe, j’ai eu les messages que j’étais censée recevoir aujourd’hui.

Au plaisir d’échanger avec vous, 

Armelle

Accompagner nos ainés

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accompagner la famille dans la fin de vieIl est des départs que l’on ressent plus ou moins fortement et plus ou moins longtemps. Il en est d’autres qui, tel un séisme, ébranlent un équilibre qu’on croyait à toute épreuve.

J’ai ressenti cet état il y a peu, sans savoir qu’il serait là, presque par surprise, à croire qu’il m’attendait caché au premier tournant.

Ma belle-mère est décédée, puis mon père, puis, ce fut au tour de ma mère. En moins de 4 ans, quasiment année après année ils ont emprunté le même chemin pour aller dans la même direction. Globalement, je trouvais que ça allait, que leur départ était ok pour moi, car c’était la vie, ou plutôt un processus normal de vie vers la mort.

Puis, ce fut le moment de dire adieu à mon beau-père, il y a très peu de temps. Comme pour nos autres parents décédés avant lui, mon mari et moi avons eu la chance de pouvoir être à ses côtés jusqu’à son tout dernier souffle, de l’accompagner, de lui caresser la main, de lui chantonner de douces berceuses rassurantes, de l’apaiser quand cela était nécessaire, surtout la nuit. Nous avons eu la chance une nouvelle fois d’être présents et d’être témoins d’une fin la plus sereine possible, dans la paix, le tout entouré par ses proches, mais une fin quand même.

“Les parents sont des montagnes que l’on passe sa vie à essayer d’escalader, en ignorant qu’un jour c’est nous qui tiendront leur rôle.” Marc Levy 


Mais voilà. Moins de 48 heures après son dernier souffle une étrange sensation est venue effleurer mon âme, celle d’avoir vu partir la totalité de la génération de nos aînés, celle de nos grands parents, puis celle de nos parents, faisant de nous les parents de nos enfants, et laissant de côté notre position d’enfants de nos parents.

C’est ainsi qu’en toute logique, le départ de nos quatre parents nous a placé en une fraction de seconde en tant que parents de nos propres enfants, tout en haut de la liste. En un laps de temps infime nous sommes devenus les seuls grands à même de veiller sur leur lignée.


« En fait, maintenant que ton père et ta mère sont morts, tu es orpheline … » Paola


Je me souviens encore de cet instant presque brutal, mais pourtant si spontané et si vrai, lorsque ce petit bout d’amour de 6 ans m’a dit en toute simplicité « en fait, maintenant que ton père et ta mère sont morts, tu es orpheline … ? ».

En tant qu’adultes on a souvent tendance à mettre des filtres et des pincettes partout, pour ne pas froisser les esprits, pour ne pas vexer les personnes, mais la vérité est bonne à entendre, même si elle déstabilise parfois. Et oui, elle avait raison, je n’avais plus mes propres parents.
J’étais orpheline, c’est vrai, mais comme je l’ai souvent dit, même si mes deux parents étaient décédés je n’ai pas souvenir d’avoir éprouvé un « vide sidéral » ou de m’être dit que ce serait insurmontable.

Quand on le fait par choix, le fait d’accompagner des personnes en fin de vie, et surtout quand ce sont nos proches, est un moment qui nous permet de remplir un vase invisible d’amour, d’émotions, de souvenirs, de regards et d’échanges vrais, c’est un peu comme si on prenait conscience que bientôt, il n’y aura plus d’eau et qu’on nous permet de faire des réserves avec des contenants adaptés pour ne plus jamais avoir soif.

J’avoue, ça aura été une étrange sensation que de prendre conscience que dorénavant, même jeunes, nous devenions les aînés de notre petite famille… mais d’avoir pu accompagner nos aînés m’aura surement permis d’avancer peu à peu vers cette nouvelle réalité, et de l’accepter pleinement.

Au plaisir d’échanger avec vous, 

Armelle