Une annonce, des histoires

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Avancer avec une thanadoulaEn prenant cette photo j’ai eu envie de vous partager mon point de vue concernant L’Annonce, ou plus précisément les annonces, car il n’y a pas qu’un seul type d’annonce.

Il existe tout type d’annonces, comme par exemple l’annonce d’un départ, l’annonce d’un divorce, l’annonce d’une grossesse qu’elle soit désirée ou pas, l’annonce à une femme enceinte de la présence de problèmes graves du bébé qu’elle porte, des annonces de maladies incurables, des annonces de fin de vie, l’annonce d’une mort…

La façon dont est faite cette fameuse « annonce » va, sans qu’on en soit conscient, définir le sentiment qui va accompagner les évènements et les expériences de chacun au fil des jours, des semaines, des mois voire des années.

Il existe des annonces froides et distantes tandis que d’autres peuvent être douces et bienveillantes, il en est des plus ou moins respectueuses, il en est qui préservent et d’autres qui détruisent et isolent.

Ainsi, il peut arriver que l’annonce maintienne la personne dans un processus de déni, dans un état de choc, ou au contraire qu’elle l’accompagne dans l’acceptation d’une situation nouvelle.

En fonction de la façon dont tout cela est vécu suivront alors des sentiments tels que la colère, la solitude, le calme, la peur, la sérénité, la tristesse, l’acceptation,

Imaginez qu’on vous annonce une grossesse non désirée comme étant une très bonne nouvelle, ou qu’au contraire on vous fasse culpabiliser pour la énième grossesse que vous débutez alors que pour vous c’est le plus grand bonheur,

Imaginez que l’on vous annonce une interruption médicale de grossesse ou une mort fœtale in utéro comme étant une « bonne chose » étant donné que votre tout petit n’est pas encore un « vrai bébé », alors que pour vous il a déjà toute sa place dans votre vie de couple et de famille, car pour vous, il existe déjà,

Imaginez que l’on vous annonce une maladie incurable avec des termes que vous ne comprenez pas et que, tel un enfant, vous n’osiez pas poser de questions, 

une annonce en bienveillanceImaginez que vous soyez reconnaissant pour la vie que vous avez eue jusque-là et que vous soyez prêt à tirer votre révérence sans acharnement thérapeutique et que l’on vous fasse comprendre que la priorité est de vous soigner,

Autant de situations qui peuvent écrire l’histoire de chacun, pendant les jours, les semaines, ou les mois qui suivent et souvent jusqu’au dernier jour.

Il y a pas si longtemps que ça, j’ai pu rencontrer un interne qui confirmait à mon papa qu’il avait une tâche au niveau du cerveau. Ce futur médecin a pris le temps de répondre à nos interrogations tout en laissant le côté officiel de l’annonce aux neurologues quelques jours plus tard.

Ce n’était certes pas une bonne nouvelle car elle annonçait une fin plus ou moins proche, mais l’annonce a été la plus douce possible et n’a donc pas été vécue comme un choc pour mon père qui s’est voulu rassurant envers nous et qui nous a dit avoir profité de chacun des instants de sa vie. Sa réaction était pleine d’acceptation et d’amour envers sa vie et envers nous tous.

« Ce n’est pas nous qui faisons l’histoire. C’est l’histoire qui nous fait »   Martin Luther King


De part ma formation de doula et de thanadoula, en tant qu’accompagnante je sais à quel point il peut être important et nécessaire pour une personne de raconter la même histoire 1 fois, 10 fois , 100 fois ou parfois 1000 fois jusqu’à l’accepter, jusqu’à s’en « détacher » et jusqu’à ce qu’elle retrouve sa paix intérieure.

En fonction de comment l’annonce a été faite, il peut arriver que la personne ait besoin de temps pour comprendre ce qui  lui arrive et pour accepter.

Que ce soit pour une interruption médicale de grossesse, pour un deuil périnatal ou pour l’annonce d’une maladie incurable nous avons tous besoin de temps, et en tant que doula de fin de vie nous savons à quel point ce temps est vital pour l’équilibre de la personne qui vit cette situation.

Ce temps n’est jamais du temps perdu, il est précieux pour le développement de la personne qui a besoin de verbaliser un choc, une incompréhension et donc une possible souffrance.

Vous voulez faire un cadeau à quelqu’un ? Offrez lui un temps d’écoute sans jugements, sans lui couper la parole, sans parler de votre propre histoire et sans phrases maladroites comme « oui, tu m’en as déjà parlé mais tu ne vas pas revenir dessus à chaque fois »… ce cadeau n’aura pas de prix, soyez-en certains.

Vous n’êtes pas à l’aise ? il existe des professionnels qui sont forts dans ce domaine, mais ça, c’est pour un prochain post …

A bientôt,

Armelle

Autoportrait

blog, poèmes libres

Armelle Lambert Rodrigues thanadoula et énergétiquesDans un groupe on s’est lancé un défi, celui de partager une photo avec pour thématique « autoportrait ». Je me suis prise au jeu et j’ai même écrit ces quelques mots qui au final me décrivent bien. Je vous les partage, histoire que nous puissions faire plus amplement connaissance,

« Qui suis-je ?  juste moi, rien de plus, rien de moins.
Ma présence auprès de vous, est possible maintenant ou demain,
Je peux marcher à vos côtés, ou je peux vous donner la main,
Je suis là en cas de doutes, de questions, de besoins.
Un peu comme une fille, un peu comme une grande sœur,
Je peux être là auprès de vous, en cas de douleurs et de peur.
Je suis moi, Armelle, thanadoula, poète,
Amoureuse des mots, je soulage des maux.
J’ai toujours été bizarre, comme disent des proches,
Mais j’assume cette sensibilité, car c’est ma force, je le sais. »

Xochitl

Etre thanadoula en s’autorisant le bonheur

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bonheur et fin de vieDepuis quelques jours sur mon compte instagram je mets en en avant une de mes photos avec une citation qui me parle, et la citation d’aujourd’hui est la suivante : 

« Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur » Albert Camus


Cette citation me donne envie, pour une fois, de vous parler un peu de moi et de l’histoire que j’ai eu la « chance » de vivre ces dernières années.

Certains connaissent mon parcours, mais pas tous, alors aujourd’hui je vous partage un petit bout de moi.

Cela faisait presque 18 ans que je travaillais dans le tourisme à Saint Emilion, et un jour, alors que j’attendais mon directeur et des collègues pour commencer une nouvelle réunion, un des panneaux du « festival philosophia » posé contre un des murs m’est littéralement tombée sur la tête. J’avoue, je me balançais sur la chaise en attendant tout le monde, mais à aucun moment, moi qui ai fait des études d’anglais, je ne m’attendais à recevoir une citation de Shakespeare me tomber sur la tête. (les panneaux du festival philosophia sont très grands car mis en avant partout dans la ville dans le cadre du festival de philosophie, et ils illustrent la thématique de l’année avec des dessins et des citations. Une fois le festival terminé, des structures ayant participé d’une façon ou d’une autre reçoivent un ou plusieurs panneaux en signe de remerciement).

Voici ce que disait cette citation : 

“Tout esclave a en ses mains le pouvoir de briser ses chaînes” de William Shakespeare


Deux jours après ma rencontre avec Shakespeare commençait un échange avec mes supérieurs et un début de négociation concernant une rupture conventionnelle.

Une fois le départ validé, presque par magie (une fenêtre s’est littéralement ouverte sur mon ordinateur sans explication et sans raison) j’ai accepté les signes qui se présentaient à moi et, sans savoir pourquoi exactement, je me suis inscrite à une formation pour devenir Doula. Cette formation aura finalement été très importante pour moi car elle m’aura apporté 1001 informations précieuses autour de la naissance, des droits, des postures, de l’écoute, et du pouvoir de chacun à trouver ses propres solutions (je le fait en version très courte).

Toujours en me laissant guider par les signes de la vie, à la fin de mon année de formation je me suis inscrite à une nouvelle formation ouverte aux doulas souhaitant accompagner la fin de vie pour ainsi devenir une Thanadoula, ou de doulas de fin de vie.

Le rapport entre le métier de doula et celui de thanadoula (j’ai déjà fait un post à ce sujet que je vous invite à lire) ? Pour moi, même si c’est l’opposé au niveau « timing » car l’un concerne la naissance alors que l’autre touche la mort, les deux métiers sont très proches car autant pour l’un que pour l’autre on accompagne des personnes dans des étapes qui peuvent être mouvementées car inconnues, on est à leur côtés en leur permettant d’avancer et de cheminer peu à peu, en s’autorisant des choses, en osant demander ou en se permettant également d’en refuser d’autres.

J’ai donc suivi cette nouvelle formation pour devenir thanadoula pour ensuite apprendre, moins d’un an plus tard, que mon papa faisait une récidive très rare d’un cancer qu’il avait eu des années auparavant, et pour découvrir presque au même moment que ma maman avait un nouveau cancer (qui n’avait aucun lien avec le premier qu’elle avait eu près de 10 ans auparavant).

Vous allez vous demander où est le rapport avec la citation du bonheur d’Albert Camus, et votre interrogation est légitime, mais pour moi, le cheminement qui commençait à ce moment-là prenait tout son sens.

Pendant des mois, et jusqu’à leur tout dernier souffle, j’ai accompagné mon papa et ma maman. Depuis l’annonce de la maladie jusqu’à la toute dernière visite du médecin venant officialiser leurs décès, j’ai suivi leur quotidien, jour après jour, avec une disponibilité totale, par choix, jamais par obligation.

Au fil du temps, alors que la santé de mes deux parents se dégradait peu à peu, dans mon entourage on se questionnait quant à ma décision de les prendre totalement en charge.

Au fil du temps on me disait que, comme j’étais très impliquée, ça allait être très dur pour moi une fois qu’ils ne seraient plus là, que j’aurais du mal à me relever… Certains m’ont également mis en garde concernant mon corps et son épuisement, on m’a dit que je pourrais perdre mes cheveux suite au choc émotionnel, on m’a invité à faire attention à mes émotions non extériorisées, on avait peur pour moi.

Et pourtant, chaque moment passé avec mes parents aura été comme une petite goutte qui vient remplir un vase d’Amour jusqu’à le remplir à ras bord. Chaque expérience, chaque moment plus ou moins dur, je le conçois, m’aura permis d’accepter et de me préparer à leur départ définitif pourtant très proche.

Bien entendu j’ai été triste, bien entendu j’ai pleuré, et comme tout le monde d’ailleurs, mais le retour à mon quotidien a été serein et paisible, sans remords, sans regrets. Je me suis autorisé le bonheur, même si parfois j’ai eu des doutes.

Des doutes de mon bonheur ? non, mais des doutes concernant mes capacités oui, je le reconnais car, à force d’entendre que « même si j’avais l’impression que ça allait, à un moment ou à un autre ma tristesse allait me rattraper »… oui, j’ai fini par avoir des doutes.

J’ai donc pris rendez-vous avec une psychologue pour comprendre. Je voulais qu’on me dise si j’étais normale de ne pas être effondrée, de continuer à vivre sereinement, d’accepter la mort de mes parents après avoir été à leur côté pendant 6 mois pour l’un et pendant 1 an et demi pour l’autre.

Je la remercie pour notre échange car son sourire a été la validation de mes émotions, de mon histoire et car elle m’a confirmée que oui, j’étais normale et que j’avais le droit de m’autoriser ce bonheur (je vous le fait en mode rapide, encore une fois).

Donc oui, tout ça pour vous dire qu’il y a autant de deuils que d’histoires et autant d’histoires que de morts. Chacun chemine à son rythme et alors que certains s’autorisent le bonheur, d’autres n’osent pas.

S’autoriser à vivre pleinement ses émotions permet de s’autoriser à avancer peu à peu dans son deuil et dans sa vie, à son rythme car chacun est unique.

Au plaisir d’échanger avec vous.

Armelle 

Craintes autour de la peur de mourir

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contact humain proche de la mortCertaines personnes disent avoir peur de la mort mais peut-être que leur peur première est celle de ne plus vivre, de ne plus être, de devoir tout laisser et de ne plus revoir les personnes qu’elles aiment.

« Celui qui a peur de la mort ne peut pas apprécier le plaisir de la vie » Djamel Fadel

 

D’autres personnes peuvent avoir peur face à quelque chose qu’elles ne connaissent pas, ce qui est légitime, car qui que l’on soit on perd pied, on ne sait pas, et surtout dans ce genre d’évènements on n’a pas des repères précis transmis par quelqu’un que l’on connaît bien et à qui l’on peut faire confiance. On peut lire des choses, certes, entendre des partages d’expériences mais le doute persiste toujours, car rien n’est officiel et vérifié, ce qui peut expliquer cette peur.

En tant qu’accompagnante des personnes en fin de vie, je rencontre des personnes qui continuent de vivre, même si elles ont peur de mourir, elles gèrent leurs craintes et savourent la vie qu’il leur reste à vivre.

D’autres au contraire, celles qui ont une peur tellement grande de la mort, permettent que  la peur prenne le dessus sur leur propre vie, au point de la voir presque figée, sans la consistance pourtant nécessaire à la nourrir. Par peur de la mort, certaines personnes peuvent se renfermer sur elles mêmes physiquement, émotionnellement ou psychiquement au point de mourir à petit feu, sans pour autant s’en rendre compte.

En fermant les yeux j’ai ce souvenir qui me revient lorsque par peur de tomber malade et de mourir à cause d’un « méchant virus », elle a mis une distance physique avec tout son entourage. Il fallait le moins possible de contacts physiques, pas de câlins, et encore moins des bises. Elle avait peur de tomber malade et peut être de mourir, alors même qu’elle avait un cancer généralisé et que tout le monde savait son temps compté.

Ses demandes ont été respectées et une « distance de sécurité physique » a été mise en place, distance qui n’aura au final pas permis à ceux qui l’auraient voulu de partager les preuves d’amour qu’ils auraient voulu lui transmettre avant son décès.

Cette distance était devenue une normalité, sa normalité, mais pas celle de ceux qui sont restés en vie une fois qu’elle est décédée, donnant ainsi une sensation d’inachevé à ces adieux peut être accélérés par manque de chaleur humaine.

Les peurs de mourir se présentent de différentes façons et en toute logique, elles sont extériorisées de plusieurs façons, le challenge étant en tant que thanadoula de permettre à l’entourage d’oser partager ses propres besoins, surtout quand on sait que le temps ne joue pas en leur faveur.

J’ai eu la chance d’obtenir des visites de 1 heure par jour dans la chambre d’hôpital, l’occasion d’ouvrir la fenêtre pour permettre au reste de la famille de profiter de cet échange à distance pour partager l’affection et l’amour familial une dernière fois, même a distance.

(Photo prise moins de 5 jours avant son décès lors de ce qui allait être le dernier échange conscient avec ses grands et ses petits).

Au plaisir d’échanger avec vous,

Armelle

Thanadoula : personne qui a confiance en la puissance de l’autre

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avancer dans le deuil victor hugo

En fin d’année 2022, j’ai partagé des citations et des photos sur mon compte instagram @lapetitetouristesurterre  : c’était mon calendrier de « l’avant » 2023.

J’ai bien dit un calendrier de « l’avant » car je ne souhaitais pas y mettre une approche religieuse mais plutôt de le proposer comme une introspection silencieuse que chacun pourrait mener à son rythme, un voyage que chacun a pu faire, s’il le voulait, comme il le voulait et quand il le voulait.

Chaque jour j’y ai partagé une de mes photo avec une citation délicatement sélectionnée qui, à mes yeux, pouvait guider vers une réflexion personnelle.

Je vous partage un peu de mon « approche » grâce à cette citation de Victor Hugo en vous avouant que je crois en ceux et celles que j’accompagne :  chacun a le pouvoir de trouver en soi ses propres solutions, chacun fait son cheminement vers ce qu’il est, ce qu’il veut être ou ce qu’il croit vouloir être.

« Même la nuit la plus sombre prendra fin et le soleil se lèvera » Victor Hugo


… la terre continue de tourner, et quoi qu’il se passe, le soleil se lèvera, mais, c’est vrai, reste ensuite à savoir si le ciel du lendemain sera nuageux, pluvieux ou bel et bien ensoleillé… chacun avance à son rythme, en fonction de son histoire, de sa vie, de son vécu, et il n’existe pas de modèle ou de timing à respecter ou à suivre. 

Depuis des années j’ai compris que présenter des solutions qui pouvaient me sembler bonnes n’était pas la meilleure chose : laisser faire chacun et croire en ses capacités à trouver ses propres solutions, quitte à se tromper, à se relever pour mieux vivre et pour mieux savourer ses propres victoires, en vivant le chemin qui est le sien.

Le soleil se lève toujours et encore, libre à chacun de garder les volets fermés pour ne pas le voir tout de suite, ou au contraire de faire la salutation au soleil dès la première heure, ou pourquoi pas, un peu plus tard dans la journée.

Au plaisir d’échanger avec vous,

Armelle

Comment sécuriser le cadre de vie d’un malade ?

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comme un phare en pleine tempête

Certaines personnes ont le sentiment d’avancer dans la vie en suivant le cap, avec une vie qui peut ressembler à un long fleuve tranquille.

D’autres personnes plus aventurières, s’engagent dans des traversées volontaires ou involontaires, plus ou moins longues, parfois compliquées voire même tumultueuses, et parfois, ces mêmes personnes peuvent avoir le sentiment de devoir traverser des océans.

Le chemin de ces traversées peut être connu ou reconnu grâce au partage d’expériences transmises par l’entourage proche ou par l’histoire familiale, alors que d’autres découvrent ces nouveaux trajets parfois au détour d’une escale…

Parfois, grâce à des partages d’expériences on pense que l’on saura comment gérer toutes les traversées, qu’on saura maîtriser les courants et dompter les vents plus ou moins forts, et certains s’imaginent même qu’en apprenant et en vivant l’expérience des autres par procuration ils pourront faire des choix par avance …

Certaines personnes ont le sens de l’orientation et prennent en charge totalement leur vie comme s’ils étaient dans un navire à toute épreuve, elles savent lire entre les lignes comme d’autres savent lire une carte du ciel, elles comprennent ce qu’on leur dit, même quand c’est annoncé à demi-mots, et ces personnes sont prêtes à faire les plus grandes traversées, presque par instinct sans que l’on sache comment et pourquoi.

« Le bonheur est comme un frêle voilier en pleine mer : il suffit d’un orage pour le détruire » Léna Allen-Shore


E
t pourtant, en cas de choc, même ces personnes les plus fortes peuvent perdre pied au moment de l’annonce.

Comme présenté dans un de mes articles (visible ICI) , parfois, lorsqu’une annonce est grave, il peut arriver que le cerveau passe en « mode survie » en activant une phase de sidération qui empêche toute assimilation de l’information, et, bien que la personne semble dans son état normal, bien qu’elle soit présente physiquement et qu’elle semble avoir toute sa conscience, son cerveau est pour ainsi dire en mode « beug » et ne peut pas entendre ou intégrer l’information qu’il est pourtant en train de recevoir.

Comme suite logique, tout ce qui a été dit ne peut pas être compris car pas entendu, et la suite des évènements peut alors en être complètement chamboulée, tout comme un bateau qui part à la dérive et dont on perd le contrôle.

Afin d’éviter ce genre de situation, ou du moins afin d’en limiter les dégâts, en cas de maladie grave il peut être important de trouver le phare qui va permettre de retrouver une certaine sécurité, pour pouvoir revenir vers la terre ferme, sans danger de briser la coque de son navire à l’approche du rivage.

Dans cette phase de tempête, il peut y avoir plusieurs phares qui accompagnent le malade, capitaine de son navire.

L’un de phares peut être la personne qui connait le malade, qui connait son histoire médicale et qui sait gérer avec empathie et bienveillance un accompagnement qui peut devenir lourd.

Il peut s’agir du médecin traitant, ou du médecin de famille comme on disait autrefois, il peut également s’agir d’une infirmière qui connait bien le malade, d’un kinésithérapeute ou d’un l’oncologue, mais dans tous les cas, il s’agit de quelqu’un qui saura prendre le temps d’écouter, d’expliquer et qui saura décoder les silences et les non dits pour comprendre les peurs parfois inavouées.

« Un phare ne mesure point l’éloignement. La lumière est présente dans les yeux, tout simplement » Antoine de Saint-Exupéry


Dans le cas précis de mes parents (je ne prends volontairement pas d’autres exemples) leur médecin traitant a été parfaite (et je pèse mes mots).

Le jour où l’on a annoncé à mon père les résultats de sa biopsie à l’hôpital, un rendez-vous était pris avec son médecin traitant qui avait alors dit « qu’ils viennent dans l’après midi, je prendrai le temps qu’il faut pour répondre à ses questions et pour tout lui expliquer« , ce qu’elle a fait.

La veille du premier rendez-vous avec un gynécologue, c’est le médecin traitant qui a « traduit » à ma mère les signes cliniques qu’elle avait, et qui a présenté avec beaucoup de bienveillance les diagnostics possibles qui pouvaient en découler ainsi que les suites médicales possibles. Le lendemain, lorsque le gynécologue a annoncé froidement qu’il fallait poursuivre les recherches et faire un prélèvement car c’était surement une récidive de « cancer », cela a été moins violent à entendre pour elle car la veille, elle avait eu la possibilité d’entrapercevoir cette « option ».

Après ses chimios, et la veille du rendez-vous de contrôle des 3 mois avec son oncologue, un rendez-vous était pris avec le médecin traitant de ma mère qui a pris le temps de lui « traduire » le compte rendu du scanner en langage « accessible », échange pendant lequel il a été question d’une reprise et de l’évolution du cancer. Le lendemain, pendant le rendez-vous avec l’oncologue ma mère a pu poser les questions qu’elle n’aurait surement pas pu poser autrement.

J’ai demandé ces rendez-vous avec leur médecin traitant en tant que fille et en tant que thanadoula, car de par mon expérience, je suis parfaitement consciente de l’importance de la prise en compte des besoins de chacun, et de l’importance de pouvoir avoir un temps d’échange pour permettre à chacun de s’approprier son histoire et sa maladie sans « juste » subir les soins.

Ce fonctionnement et ce double rendez-vous a eu pour unique but de montrer tant à mon père qu’à ma mère vers où tourner leur regard en cas de doute, leur médecin traitant est devenu à leur yeux le phare qui veillait et qui surveillait, qui rassurait et qui officialisait leurs choix jusqu’au tout dernier.

Ce double rendez-vous n’avait pas pour but de creuser le trou de la sécurité sociale ni de rendre telle ou telle annonce plus officielle ou plus importante qu’une autre, mais il s’agissait juste de prendre en compte chaque malade, chaque besoin et chaque histoire, de créer un cadre de confiance dans un environnement pourtant si inconfortable, plein d’incertitudes et de peurs.

Pour des enfants, il existe ce que l’on appelle la figure d’attachement (informations en cliquant ICI), en cas d’accompagnement autour de la maladie, cette figure pourrait être remplacée par quelqu’un qui devient alors un « phare en pleine tempête » en sachant qu’il peut y avoir plusieurs phares et donc, plusieurs personnes clés. Il peut s’agir d’un professionnel de santé, d’un membre de la famille avec qui la relation est spéciale, d’un ami, d’une accompagnante de la fin de vie (doula de fin de vie, thanadoula ou death doula), ou d’autres personnes, le tout étant de savoir que la personne malade ou en fin de vie peut compter sur quelqu’un tout au long de cette phase si délicate.

Dans le cas de mes parents, c’est leur médecin traitant qui a accompagné les annonces, qui a pris le temps de tout expliquer, qui a fait le nécessaire pour que les directives anticipées de mon père soient respectées, et qui a tout fait pour que le vœu le plus cher de ma mère se réalise et pour qu’elle puisse revenir chez elle avec une hospitalisation à domicile, sans le savoir, quelques heures avant son dernier souffle.

« Au milieu des ténèbres, la plus humble veilleuse brille comme un phare » Emile Gaboriau


Pour bien accompagner les personnes en fin de vie il faut savoir accepter de l’aide, mais avant tout, il faut oser la demander.

On peut difficilement traverser un océan seul, à moins d’avoir une préparation, une condition hors du commun et une embarcation très spécifique, ce qui n’est pas à la portée de tous, loin de là.

De tous temps, ce sont des navires qui s’aventurent dans les traversées longues et parfois périlleuses, et en général, dans ces vaisseaux il n’y a pas qu’une seule personne mais tout un équipage, où chacun a une place et un rôle précis, en allant du matelot jusqu’au capitaine lui-même qui décide et qui dirige son navire, et au loin, quelque part, se trouve toujours un phare.

Aussi, aujourd’hui je dédie cet article à tous ceux et celles qui sont le phare de quelqu’un de malade, aux collègues thanadoulas qui accompagnent la fin de vie et le deuil, aux médecins qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour accompagner et soulager le quotidien de leurs patients, et plus tout particulièrement au Dr T. qui est le phare de bien des patients, dont mes parents, et qui m’a confiée un jour au détour d’une conversation « et pourtant, je n’ai pas pu faire tout ce que j’aurais voulu faire…« 

Armelle

Thanadoula : personne qui accueille la vie, la mort, le deuil…

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Accompagnement thanadoulaJe garde en tête cet après-midi où nous attendions tous les 5 le rendez-vous avec l’oncologue. Oui, tous les 5, à savoir nos parents, mes frères et moi-même.

Au tout début, notre présence en nombre a surpris, mais ensuite, l’oncologue a eu la gentillesse d’accepter notre présence à tous, et nous n’avons pas eu à choisir celui ou celle qui allait attendre dehors.

Ce rendez-vous était une « formalité » qu’on attendait car les imageries que nous avions eues entre les mains nous avaient permis de comprendre que de toute évidence, notre maman avait de nouveau un cancer, qu’il était invasif, et que le ciel au-dessus de nous tous, n’était donc pas tout bleu.

Comme pour la préparer, avec tact et avec pudeur nous avions déjà prononcé le mot qui lui faisait tellement peur, celui de la pathologie qu’elle avait rencontrée quelques années plus tôt, mais ce rendez-vous là, c’était un passage attendu où le verdict allait enfin être annoncé « haut et fort » par un professionnel dont c’était le métier.

A la fin de la consultation le rendez-vous était pris pour la première série de chimiothérapies, en sachant que la RCP (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire) allait valider la molécule de ce nouveau protocole.

Nous étions 5, et pourtant je crois que j’étais la seule surprise.

“Ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort” Antoine de Saint-Exupéry


Surement par déformation professionnelle en tant qu’accompagnante à la fin de vie (thanadoula), mais j’avais besoin de savoir vers quoi on allait tout, en tant que famille.

Aussi, une fois tout le monde dehors, j’ai attendu le médecin pour pouvoir échanger seule à seule avec elle car je voulais être certaine que la présence de métastases à plusieurs niveaux voulait en d’autres mots dire, cancer généralisé… Le médecin m’a répondu qu’effectivement cela revenait à dire la même chose mais qu’ils n’utilisaient pas ce terme car il faisait peur et car ça pouvait démotiver les malades à se battre

J’étais perplexe, tandis que l’utilisation d’un terme clair aurait peut être permis à ma mère d’avancer en conscience, c’est la loi de l’autruche qui l’aura guidé avec une vérité voilée par une fausse illusion.

C’est à ce moment que j’ai réalisé que tout comme dans la vie, au niveau médical nous avons des réponses en fonction des questions que l’on pose.

Si un enfant demande s’il va mourir un jour, ce serait que de lui mentir en répondant d’une façon négative et en lui disant que tout va bien et qu’il n’a pas besoin de parler de tout ça, il pourrait se construire avec une vérité qui ne l’est pas et vivre sa vie sur un mensonge. Si cette question l’inquiète et qu’il attend une réponse, si on ne lui dit rien, il va bien comprendre qu’on évite volontairement de lui dire ce qu’il en est, par peur.

Chacun doit pouvoir évoluer en fonction de ses capacités à entendre et à comprendre, en fonction de son acceptation, mais, dans la vérité.

Pour ma maman, c’était un peu la même chose, lui laisser entendre que ce type de cancer pouvait avoir de bonnes réponses au traitement sans jamais aborder d’une façon claire le fait que les métastases seraient à surveiller de très près aura été comme lui mettre des œillères devant les yeux.

Etrangement, peu avant son décès je me suis entendu dire « votre maman est dans le déni ». Oui, c’est vrai, elle était dans le déni, et pour cause.

« La volonté d’aimer, de vivre est un arbre naturel » Andrée Chedid

en attendant sa thanadoula

Rapidement ma maman avait compris qu’il s’agissait d’un cancer mais elle avait également compris que le corps médical pouvait le gérer. Si j’avais à faire un métaphore, je dirais que pour elle c’est un peu comme s’il s’agissait d’un «arbre» sans qu’on lui dise que cet arbre était particulièrement grand avec des racines énormes. Elle n’en connaissait pas l’étendue et elle n’a pas éprouvé l’envie d’en savoir d’avantage car elle avait compris qu’il pouvait être soigné, alors que pour le corps médical, l’objectif était de contrôler son développement.

Chaque personne a le droit d’avoir les vraies informations, sans qu’elles soient minimisées ou accentuées et ceci est valable autant pour le malade que pour un membre de la famille, petit ou grand.

Il existe différentes façons de présenter la réalité, adaptées à chacun, à son âge, à sa sensibilité et à son niveau d’acceptation face à la maladie.

Rester évasif en disant à une personne que ça va aller alors que c’est un cancer généralisé à un stade assez avancé ne lui permettra pas de réaliser que le temps est effectivement compté et qu’elle peut décider de le vivre comme elle le souhaite, en tout petit comité, en famille, doucement, pleinement,…

Dire à un enfant ou à un proche que tout va bien alors que rien ne va, et dire que les médecins vont faire le nécessaire pour guérir la maladie donne une fausse information et ne permet pas de prendre conscience de l’urgence et de l’aboutissement.

Dire à une personne âgée ou malade qui vous annonce qu’elle sent son heure proche qu’elle se trompe, et lui affirmer qu’elle va vivre encore pendant longtemps est peut être un réflexe plein d’amour visant à la rassurer, mais c’est surtout une maladresse qui finit par déconnecter la personne de son propre ressenti.

Personnellement, nous avions promis à nos enfants de toujours leur dire la vérité et de ne rien leur cacher, nous leur avons annoncé qu’ils auraient les informations en heure et en temps et qu’il fallait qu’ils comprennent que parfois en tant qu’adultes on aurait besoin de prendre un tout petit peu le temps pour les préserver. C’est ce que nous avons fait.

Armelle

Le temps

blog, poèmes fin de vie et deuil, poèmes libres
temps« Le temps qui passe,
Et qui n’arrête rien,
Telle cette douce caresse,
Posée dans le creux de tes mains.
C’est la main de ta petite fille,
Celle qui t’a converti en grand père,
C’est celle de ma tendre fille,
Qui m’a permise d’être mère.
Elle te donnait de son amour,
Quelques heures avant ta mort,
Aussi fort que celui du premier jour,
Où tu l’as prise dans tes bras.
Chacun de tes tous petits,
À pu à son rythme te bercer,
Te souhaiter une bonne route,
Et accepter ton départ annoncé. 
C’est un cadeau que tu leur as fait, 
Que de pouvoir apprivoiser la mort, 
Une histoire d’une douceur extrême, 
Enveloppée de confiance et de paix. »
  
Armelle Xochitl
(Spéciale dédicace)

Thanadoula, death doula, doula de fin de vie,

approche, blog

Une accompagnante avant tout,

thanadoula doula fin de vie

La fin de vie avec une thanadoula

Thanadoula, death doula, doula de fin de vie, accompagnante de fin de vie … ce sont autant de mots, d’étiquettes et de titres qui peuvent décrire un même métier, et au delà d’un simple métier j’aime à parler d’une approche, d’un état d’être et de l’acceptation que chacun possède en soi ses propres solutions en réponse à ses propres besoins.

Quand on accompagne les personnes en fin de vie, on le fait en leur laissant la totale liberté de dire ce dont elles ont besoin, ce qu’elles veulent et surtout ce qu’elles ne veulent pas, elles décident, elles demandent et ponctuellement, en cas de besoin, on peut les guider en osant par exemple poser des questions délicates pour certains et souvent libératrices pour elles avant leur grand voyage.

Car oui, ce voyage est bien le leur, et bien que l’entourage soit également concerné, ce sont bien les personnes en fin de vie qui se préparent et qui font leurs bagages avant leur grand départ et pendant ce temps, les proches se préparent à les voir « partir ».

Cette valise pourrait être comparée à celle que prépare une femme avant son accouchement, elle y met ce dont elle peut avoir besoin, ce qu’elle considère comme utile, comme nécessaire, elle peut également y mettre ce qu’on a pu lui conseillé de ne pas oublier.

Un peu comme cette femme sur le point d’accoucher, les personnes en fin de vie peuvent avoir des besoins, des choses qu’elles veulent gérer impérativement avant de mourir, et un peu comme une future maman qui prépare la chambre de son enfant à naître, certaines personnes peuvent se sentir plus légères une fois qu’elles ont pu faire une transmission d’informations, de besoins ou de désirs.

De même, une fois cette fameuse valise prête, les interrogations de la femme sur le point d’accoucher peuvent ressembler à celle de la personne qui s’avance vers la mort : toutes deux peuvent avoir des interrogations légitimes concernant la gestion de la douleur, la peur de l’inconnu, la durée que cela va prendre, l’après, ….

« Nous disons la mort pour simplifier, mais il y en a presque autant que de personnes  » Marcel Proust


On peut rassurer une femme sur le point d’accoucher avec sa propre expérience ou avec celle d’une amie, ou de l’amie d’une amie mais ce n’est qu’un partage d’expériences car il y a autant de femmes que d’accouchements, et surtout, car on ne peut pas savoir comme sera son propre accouchement.

Concernant la mort c’est la même chose, il y a autant de morts que de personnes.

Les étapes peuvent se ressembler car physiologiquement il y a des points en commun d’une personne à une autre mais au final chaque personne le gère à sa façon.

C’est en ce sens que le mot « thanadoula » ou « doula de fin de vie » ou « death doula » pourrait prendre son sens car les processus vers la naissance rappellent ceux qui mènent à la mort, et une doula ayant suivi une formation spécifique connaît ces « processus » et les respecte ; sa posture et son approche se doivent de respecter les besoins et les attentes des personnes qu’elle accompagne.

Dans son sens étymologique le mot « doula » voulait dire esclave, servante … Aujourd’hui, l’emploi du mot Doula pourrait être pris comme synonyme de la « non remise en question des choix de la personne » qui est accompagnée.

La présence de l’accompagnante est toujours non médicale, elle ne remplace aucun autre professionnel, elle vient en complément avec une approche la plus apaisante et la plus rassurante possible pour la personne en fin de vie et pour son entourage.

Les étapes vers la mort ressemblent étrangement à celles qui mènent à la vie, et dans mes prochains articles je vous propose de faire un parallèle entre les deux car la ressemblance est vraiment surprenante…

Autant j’ai toujours été réservée sur mes accompagnements, autant c’est avec beaucoup d’amour que je propose de vous faire des « partages » ponctuels de mes deux derniers « accompagnements » particulièrement spéciaux à partir du moment où il s’agit de celui mon papa et de ma maman tous deux décédés en moins de 1 an des suites de maladie.

Armelle